« Les cavaliers ont changé. Hier aristocrates ou militaires, hommes en tout cas, ils sont aujourd’hui, en majorité des femmes de la classe moyenne. »
L’équitation, plus qu’un sport, une réflexion éthique:
Si notre relation avec les chevaux a beaucoup changé, son symbole dans l’imaginaire collectif aussi. Chaque princesse de Disney à son cheval fidèle, les jeunes filles grandissent avec peluches, figurines, séries animés, films romanesques, autant de raisons de rêver d’équitation, d’imaginer cet amour inconditionnel avec cet animal mythique, beau, grand fort, puissant, fougueux, mais SI sensible.
Le retour à la réalité est parfois abrupte pour le cavalier débutant qui rencontre l’indifférence dans l’œil du cheval… d’école, ou encore, le cavalier propriétaire qui n’arrive pas à tisser la relation tant espérée avec le cheval tout juste acquis des mains d’un entraîneur. Se saigner financièrement pour un cheval qui ne nous témoigne que peu d’attachement…. Si au moins il performait en concours…
« Le cheval arrive en troisième position des animaux préférés des Américains du Nord et des Européens, après le chien et le chat, et un nombre croissant d’amateurs acquièrent des chevaux à seule fin… de ne pas les utiliser. »
Le cavalier se posent alors la question, pourquoi, mais pourquoi monter à cheval? Le jeu en vaut-il la chandelle? Tout cavalier devrait d’abord se poser la question à savoir, pourquoi monte-t-il à cheval? D’où est née cette passion? En quoi et comment contribue-t-elle à son bonheur? Comment une relation avec un cheval peut-elle nous apporter du bonheur? Le fait de monter à cheval augmente-il le plaisir relié à cette relation? Être propriétaire d’un cheval nous offre-t-il une satisfaction supplémentaire au fait de côtoyer ceux qui ne sont pas notre propriété? Ou se situe notre besoin d’accomplissement par rapport au bien-être du cheval ou à sa performance? Autant de questions sur lesquelles le cavalier devrait se pencher pour que chacune de ses actions auprès des chevaux soit portée par des valeurs qui lui appartiennent, plutôt que sur des règles apprises, des élans de l’égo ou pire, des croyances relatives à un arrière monde.
L’adéquation des aspirations humaines et la réalité du cheval:
Ma passion des chevaux est née d’une série télé des années 90, l’Étalon noir, d’un rêve, de circonstances qui ont fait des moments à l’écurie des moments de grandes paix intérieures ou mes besoins étaient mis en priorité. Les gentils chevaux d’école remplissait à merveille mes aspirations de trot enlevé sur la bonne diagonale, talons bas, coudes souples et mains fixes… presque! En vieillissant et en rencontrant la dure réalité de ma passion, mes valeurs se sont construites, au fur et à mesure que les questions éthiques se présentaient, dans mon quotidien de cavalière, de propriétaire de chevaux, de pensionnaire, d’instructeur, d’entraîneur, de gestionnaire et propriétaire d’écurie, elles ont évoluées. La priorité mise sur le bien-être du cheval s’est affirmée, mais s’est transformée, avec l’expérience et la connaissance, et continue de le faire chaque jour. Elle a rencontré sa voix opposée, le bien-être du cavalier auprès du cheval, ses besoins, ses aspirations, le bonheur qu’il cultive à le côtoyer, ou l’angoisse que le cheval génère pour lui. Tous les cavaliers sont d’accord pour dire que le bien-être du cheval est une priorité, mais pourquoi chacun n’y arrive-t-il pas à tout moment?
«La vraie connaissance est de connaître l’étendue de son ignorance» Confucius. L’acquisition de nouvelles connaissances révèle toujours une part d’ignorance, passé ou futur. Face à une difficulté, le cavalier tombe parfois à court de moyens, d’outils, de solutions, il devient fragile, et le discours intérieur peut être envahi par l’émotion ou se laisser convaincre par des sciences qui n’en sont pas. La violence dans l’utilisation des aides, fruit de la colère ou d’un égo trop bavard, ou son contraire, la faiblesse de celle-ci, de peur de déranger, qui au mieux désensibilise le cheval, porte une atteinte majeure à son plaisir à côtoyer l’homme, mais aussi dans le plaisir qu’aura l’homme à être avec lui. Nous avons tous vu un jour un cavalier qui gâte son meilleur ami équin en lui donnant une trop grande liberté, une liberté qui n’est même plus surveillée. Cette dame qui prétend que son cheval feint la boiterie ne nous révèle-t-elle pas au fond un désir profond que cette dysfonction soit irréelle, qu’aucune douleur n’afflige en fait sa silencieuse monture? Celui qui prétend détenir un pouvoir magique n’aimerait-il pas en fait réussir à vous libérer de la peine que vous ressentez à ne pas comprendre votre cheval?
Cette dame qui prétend que son cheval feint la boiterie, lui attribue en fait, des comportements qu’il ne peut avoir et s’attribue du même coup une compréhension extra-ordinaire de l’animal. Face à la violence du réel, le déni est un analgésique très puissant mais très destructeur, et la première victime sera le cheval.
De quoi dispose réellement le cavalier afin d’évoluer auprès du cheval tout en respectant ses valeurs? D’un esprit sain, dans un corps sain, d’un discours intérieur et d’un entourage composé de professionnels avec qui il partage des valeurs. N’hésitez jamais à changer de vétérinaire, forgeron, ostéopathe, sellier, entraîneur si vous ne partagez pas avec ceux-ci un ensemble de valeurs. Par contre, si tel est le cas, soyez fidèle, tâchez d’avoir un dialogue ouvert et bienveillant et tissez une relation de qualité avec ces aides qui vous seront précieuses!
Questionnements du cavalier:
De quoi devrait alors être constitué le discours intérieur du cavalier? De beaucoup de questionnements… Comment se sent mon cheval aujourd’hui? Où en sommes-nous dans l’entrainement? Quel est la zone de confort et la zone d’effort? Comment est-il affecté par les conditions extérieures? De quoi a-t-il envi? Quel est la nature du problème? Dois-je continuer ou interrompre l’exercice, la demande, la séance? Ou puis-je trouver l’information dont j’ai besoin? Qui peut me venir en aide dans tel ou tel circonstance? Ai-je agis de manière adéquate, éthique, techniquement valide? Suis-je physiquement et psychologiquement disponible pour pratiquer mon sport favori, entraîner mon élève à quatre patte, ou le couple cheval cavalier qui souhaite recevoir mon enseignement aujourd’hui?
Cette disponibilité, bien qu’elle soit un idéal, doit-être la préoccupation de chaque instant. N’amenez pas avec vous la toute dernière dispute avec votre conjoint ou votre mère, les courbatures d’avoir grimpé dix montagnes la veille, ou votre 40 livres en trop. Bien sûr que les conditions ne seront pas toujours optimales, sachez alors adapter vos exigences, si on attend que tout aille pour le mieux, jamais rien ne sera entamé. L’équitation peut-être le bon endroit pour apprendre à faire le vide, laisser des trucs au vestiaire, et ne pas devenir un fardeau de plus pour votre cheval. Le tact équestre nécessite une dialogue avec le cheval, l’analyse des sensations qu’il vous transmet afin d’adapter le message que vous lui renverrez à travers vos aides, mais aussi à travers votre émotivité.
Le tact équestre est la qualité du cavalier qui lui permet d’éviter le conflit par le biais du choix d’outil, de méthodes et d’exercices de manière à ce que le couple cheval-cavalier surmonte ensemble les difficultés, car l’important au fond, c’est la bonne entente, pour la performance, mais aussi pour le bonheur, la sécurité et le bien-être des deux protagonistes. Que gagne le cavalier à entrer en guerre avec le cheval sur lequel il monte? Une connaissance profonde de l’éthologie et de la biomécanique du cheval sont essentielles au développement de ce tact équestre, gage de légèreté.
Source :
– Le cheval force de l’homme; Jean-Pierre Digard, Gallimard